Filia, la vie en bleu de Sarah Lanzi

UK - Filia, une reconversion artistique et le nouvel élan professionnel et créateur de Sarah Lanzi, fondatrice de la marque en 2021.

Filia, un nom qui rappelle en filigrane le mot filiation… car l’héritage familial n’est jamais loin de ce parcours artistique. Un lien indéfectible qui a aidé Sarah à se repenser, renaître, pour guérir son corps, revenir à des choses simples, après une carrière d’interprète, à l’international.

Et puis Filia, c’est le soin tout particulier apporté à travailler le tissu, le papier, la fibre dans toute sa complexité, sa flexibilité, sa plasticité, l’appréhension des matériaux et techniques d’autrefois, des outils élémentaires, low tech comme nous aimons à les décrire aujourd’hui et, surtout, revenir à des choses essentielles : le temps qui passe, les sensations, l’appartenance.

 

7974 wecandoo lanzi sarah ok portraitRENCONTRE

Bonjour Sarah,

Ravie de vous accueillir dans la galerie de portraits du blog,

Vous avez eu un parcours professionnel des plus passionnants avant de vous diriger vers une activité artistique, toute aussi prenante.

Quelles sont les grandes lignes de votre vie ?

Ma première vie a été vécue sur les chapeaux de roues. J’ai travaillé 10 ans dans un univers beaucoup plus cérébral qu’aujourd’hui, comme interprète de conférence en 4 langues, pour des gouvernements et institutions internationales à Paris et Bruxelles. Par conséquent, je voyageais beaucoup pour ce métier que j’adorais et touchais de très près à la politique internationale.

Cependant, ma vie a diamétralement changé à la mort de mon père. Une grave maladie m’a paralysée et clouée au lit pendant un an. Je ne supportais que le calme, la nature… Je me suis alors réinventée en habitant le corps, en fabriquant de mes mains, en jetant les ressentis sur un support. Il a fallu des années. Je n’ai pas choisi ce tournant, il s’est imposé de lui-même.

Après deux masters, des études passionnantes et avoir si longtemps travaillé uniquement avec ma tête, je m’étonne toujours d’entendre mes amis d’autrefois me dire qu’ils m’ont toujours considéré comme quelqu’un de « créatif ». Cela dit, ma mère étant comédienne, le ver était en quelque sorte dans le fruit !

De plus, j’ai grandi dans un environnement très ouvert, entourée d’artistes, mais je n’en étais jusque-là pas vraiment consciente car mes parents voulaient avant tout assurer mon avenir par des études intellectuelles.

 

Bd la vie en bleu de sarah lanzi

 

Vos créations rappellent un intérêt certain pour le recyclage, la transmission, et un motif principal, le végétal…

Il faut, pour comprendre mon intérêt pour le végétal, revenir à la genèse de Filia… Alors que j’étais alitée, incapable de bouger et de me servir de ma tête, mon seul vrai souvenir, c’est la lumière qui filtrait à travers les feuilles par la fenêtre. En japonais il existe un terme rien que pour cette lumière, « komorebi ».

 

 

KOMOREBI « (木漏れ日), le mot japonais qui fait référence à l’image poétique de la lumière du soleil filtrant à travers les feuilles

et les branches. Il fait écho à notre mission de prendre le temps d’apprécier l’extraordinaire dans l’ordinaire » (Editions Komorebi).

 

 

Mon père avait vécu au japon et c’est un peu sans m’en apercevoir que j’ai baigné dans une esthétique à la fois très épurée mais aussi figurative. On retrouve ces inspirations dans les motifs du volet artisanal de mon travail et dans le mouvement calligraphique de mes tableaux.

Ce bleu profond et puissant de vos créations, typique du cyanotype, est également très japonisant n’est-ce pas ?

En effet, le bleu de Prusse - créé au 18e s par une réaction proche du cyanotype - joue un rôle fort dans l’art au japon : Hokusai le fait importer d’Europe et le sublime avec ses Trente-six vues du mont Fuji, les plus connues de ses aizuri-e (estampes bleues).

 

 

Le cyanotype est l’une des premières techniques de photographie, découvert en 1842 par le mathématicien,

astronome et chimiste britannique John Herschel, en même temps que l’argentique.

« J’aime la sobriété du procédé qui demande peu de technologie et permet d’innombrables variations créatives.

Je l’utilise sur de nombreux supports car, ce qui me fascine c’est sa manière de capter la lumière de l’instant.

Il s’inscrit dans l’ici et maintenant et va bien au-delà du développement photo ».

 

 

Le bleu est en effet le fait des réactions chimiques du cyanotype (impression en bleu, du grec « kyanos » et « typos »), mais il se révèle extrêmement riche, plein de nuances. Les teintes varient en fonction de mille paramètres : le dosage des oxydes de fer qui le composent, le support, l’humidité, la saison, de la durée d’exposition au soleil, des nuages qui passent…

Je ne joue pas avec les teintes, ce sont elles qui dansent avec mes supports. La beauté de ce processus c’est aussi son imprévisibilité, avec son lot d’imprévus, parfois de ratés… mais toujours instructifs ou utiles !

Mon exposition intitulée « Yutori, l’espace suspendu » faire référence à un terme qui véhicule beaucoup de choses : être à l’aise, avoir de la marge, de la place pour soi-même physiquement et surtout intellectuellement. C’est l’instant entre deux choses, ce moment de grâce qu’on remarque sans le nommer, et que l’on conserve en soi. Toute une philosophie de l’observation, du lâcher prise, de la sobriété et de l’admiration du monde.

 

Sarah lanzi produits okA propos des motifs que vous choisissez…

J’aime créer avec ce que m’offre la nature. De la pousse de fougère aux monnaies du pape, tout me permet de me lancer dans de nouvelles aventures artistiques, et sur de nombreux supports. Tous les jours, un nouveau chapitre s’ajoute à l’histoire de Filia et me permet….

Cadres, des cartes, des carnets de notes, mais pas seulement…

Oh, ce n’est qu’un petit aperçu de mon univers ! S’ajoutent à cela de nombreux produits avec comme base du linge ancien, de la toile, qui me permet de jouer avec la matière.

La plupart de mes tissus sont des draps comme ceux de nos grand-mères, que je chine sur les brocantes. Ces étoffes anciennes sont d’un coton incomparable et, devant chaque nouvelle pièce, je demeure émerveillée par les matériaux mais aussi la façon c’est-à-dire la manière dont ils ont été travaillés.

Chacune de ces broderies et jours-échelle traduisent de longues soirées d’hiver à broder au coin du feu, des générations de savoir-faire. Ces tissus peinent à trouver une place dans notre quotidien : piqués de rouille, abîmés par les années pliés dans les armoires humides, tâchés par leurs usages, limés par les lessives et machines modernes…

Les utiliser, les réutiliser, les transformer, c’est un peu les faire vivre et maintenir du lien entre là d’où nous venons et ce que nous sommes.

 

 

Parmi toutes sortes de jours, le jour échelle est le plus simple et se réalise de préférence

sur une toile dont le tissage est bien visible et pas trop serré : toile à drap, batiste, etc... (coupecouture.fr)

 

 

Mais je ne suis pas sans m’autoriser quelques incursions dans des domaines qui me sont moins familiers, comme la bijouterie et même des étiquettes de bouteilles notamment lors de collaborations avec d’autres artisans et artistes. C’est tellement riche de travailler à plusieurs !

Mode d’emploi pour créer : Entre conception, choix du support et pour finir l’œuvre en question, combien de temps vous demande un nouveau projet ?

Je distingue l’expérimentation (qui ne débouche pas sur quelque chose de précis mais nourrit ce que je fais en toile de fond), de la production (donc les moments où je cherche à réaliser quelque chose que je ressens et j’imagine, ou que l’on me demande) : une thématique pour une exposition, une collaboration avec un autre artiste ou artisan, ou une commande pour un particulier.

Filia

 

Les deux se nourrissent mutuellement et le travail de recherche fait partie intégrante du processus de création mais il est quasiment impossible à quantifier car il prend des jours, des semaines…

Je pense parfois que certaines pistes n’aboutieront à rien, voire sont des pertes de temps jusqu’au jour où j’y repense, les utilise, les pousse dans un autre direction, les associe avec d’autres matériaux ou techniques que je n’avais pas encore exploré la fois d’avant… et cela devient autre chose.

Vous participez à de nombreuses expositions. Proposez-vous des formations, des ateliers, des présentations ?

J’adore transmettre ! Dans ma première vie, j’ai enseigné dans le supérieur pendant des années.

Mon atelier-showroom à Aigues-Mortes est donc avant tout un lieu de partage où j’accueille tous ceux qui veulent découvrir le cyanotype, en famille, entre amis... et dès septembre je propose aussi un atelier reliure !

En complément de cela, je reçois les photographes qui veulent développer leurs négatifs, j’interviens dans les lieux culturels et les établissements scolaires de la maternelle au supérieur car le cyanotype est un incroyable outil pédagogique avec des notions de chimie, physique, d’histoire de l’art…

 

 

Bon à savoir : FILIA propose un « kit créatif pour une activité ludique et originale. Tout ce qu'il faut pour imprimer avec le soleil en utilisant le cyanotype, Au programme : un peu de chimie, de physique, de botanique et de magie, pour grands curieux et petits manuels à partir de 6 ans. Le cyanokit permet de faire des images bleu intense toute l'année ».

 

Logo filiaVifs remerciements à Sarah Lanzi pour sa collaboration à cet article.

La bonne adresse : Filia. Retrouvez Filia à l'atelier d’Aigues-Mortes (19 rue d'Esparon, sur RDV uniquement), à la boutique de créateurs Pavane à Montpellier (7 rue en gondeau), à la boutique de créateurs Le Perroquet Zébré à Sommières (8 rue Général Bruyère), toujours à la galerie Zone Onze à Montpellier (11 rue de la Fontaine), à la boutique de créateurs de Fizz Feathers à Aigueze (30) (4 place du jeu de paume), mais aussi sur Instagram @sarah-reenchante_le_quotidien et Facebook. Contact : filia.original@gmail.com.

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