Le musée Borias, à Uzès

(UK version) Fondé en 1910, suite à la réunion du fond des beaux-arts et de celui d’histoire locale, le musée d’Uzès occupe en premier lieu une partie de l’Hôtel de Ville d’Uzès.

Déplacé dans l'ancien palais épiscopal, devenant ainsi voisin du Tribunal de proximité, le musée est inauguré dans sa nouvelle version en 1978.

Histoire et origine

Le musée du musée BoriasA l’origine du musée, il faut rappeler l’investissement du peintre alésien José Belon (1861/1927), formé aux Beaux-Arts de Paris et qui souhaitait alors faire participer ses amis artistes pour des dons d’œuvres.

Vient ensuite l’initiative du poète Albert Roux (1871/1935). Paysan gardois avant tout, natif de Sanilhac et amoureux de sa région, le poète qui écrivait en occitan contes, légendes et histoires était vivement inspiré par l’œuvre de Frédéric Mistral.

La création en 1896 du Museon Arlaten d’Arles par Mistral l’interpelle, car le musée fait la part belle aux œuvres provençales, en mettant à contribution la population locale pour aider à la conservation du patrimoine de la région, une culture locale qui, selon Mistral, est vouée à disparaître sous le joug de la modernité.

De Arles à Uzès, il n’y a qu’un pas et le Museon uzétien tant voulu par Albert Roux, aiguillonné par le succès rencontré par l’Arlaten, voit le jour.

Profitant de sa collaboration au Journal d’Uzès, l’ancêtre du Républicain, et de ses écrits sur l’histoire de la région, Albert Roux sollicite dons et prêts. Viennent alors toutes sortes de découvertes, allant des surprises improbables d’un cabinet de curiosités aux tableaux et autres trouvailles archéologiques.

 

Un conservateur passionné

Laissé quelque peu à l’abandon pendant les deux guerres mondiales, le musée municipal renaît dès 1946, sous l’action passionnée de Georges Borias (1908/1988).

Cet enseignant auvergnat, qui arrive à Uzès après avoir occupé des postes dans différentes régions de France, s’investit totalement dans la préservation du musée. S’attachant l’aide de ses étudiants pour la restauration et le classement des fonds du musée, Georges Borias effectue un travail gigantesque.

Conservateur du musée pendant 40 ans, Georges Borias développe le musée, et l’enrichit considérablement. Installé depuis 1978 dans les bâtiments de l’ancien palais épiscopal d’Uzès - monument historique classé depuis 1981, le musée porte, depuis la mort de son conservateur en 1988, le nom de l’enseignant. Quel plus bel hommage à son immense contribution pour la sauvegarde du patrimoine local.

 

La relève du flambeau

Martine Peyroche d’Arnaud, auteur d’une thèse consacrée à l’architecture d’Uzès pour l’Ecole du Louvre mais aussi de l’Abécédaire d’Uzès, publié aux Editions Alcide, succède à Georges Borias en tant que conservatrice.

Rappelant dans un « beau texte comment, il y a trente ans, elle a pu monter, avec le soutien de passionnés et de la municipalité, l’exposition Histoire de papiers… une étape décisive dans l’histoire du musée » (Uzès, Musée vivant, Novembre 2020, nº 56), Martine Peyroche d’Arnaud est la femme derrière le musée que nous visitons aujourd’hui, un musée que l’on rejoint après une volée de marches qui entraîne déjà le visiteur dans un décor historique unique.

Le flambeau passe ensuite, en 2003, à Brigitte Chimier, qui devient la nouvelle conservatrice. Diplômée d’histoire de l’art moderne, rien ne la destinait à ce poste. Et pourtant. Depuis bientôt 20 ans, la conservatrice apporte son expertise et son attachement à la culture à cette institution centenaire, travaillant de concert avec le responsable de l’accueil du public et l’association Les amis du musée.

Brigitte Chimier s’attèle au quotidien à un véritable sacerdoce pour apporter au musée toute la reconnaissance qu’il mérite et continuer à l’enrichir grâce à des dons, legs et acquisitions, une activité qui rythme la vie du musée et permet d’augmenter le fonds de l’établissement. Tout cela sans compter avec les interactions avec les écoles, les conférences, et les visites. Le musée, c’est aussi un lieu de partage exceptionnel.

 

 

Les dons, comme ce dessin de Charles Gide offert par Frédéric Abauzit, Président de l’Association Les amis du musée, représentant le Tour des Eaux, à Uzès, ou l’achat auprès des descendants de Catherine Gide d’un ensemble de 7 œuvres de son père André Gide et de son grand-père, le peintre Théo Van Rysselberghe

 

 

Visite guidée du musée en compagnie de Brigitte Chimier

Musee carreauxAvec des animations régulières, comme la visite de l’objet du mois, ou bien les interactions avec les établissements scolaires, le musée participe activement à la vie uzétienne.

Les différentes collections qui se partagent les salles du musée retracent l’histoire d’Uzès et de sa région. Voici une petite sélection :

Après un passage devant la vitrine d’un surprenant cabinet de curiosités, voici venue la préhistoire, l’époque gauloise – on apprend par exemple au détour d’une stèle que les Gaulois ont partagé leur expertise de la fabrique de tonneaux avec les Romains qui n’utilisaient alors que les amphores et pots en terre, le Moyen-Age - les objets proviennent de fouilles archéologiques ou de découvertes de particuliers : poteries anciennes, pierres gravées, stèles – comme celle rappelant la mémoire d’un tonnelier du 2e s découverte à Vallabrix, outils, ou bien cette étonnante collection de carreaux de pavements en terre vernissée du 14e s, acquise par l’Association des amis du Musée et le Fonds régional d’Acquisition pour les Musées, et découverte au château de Blauzac.

 

Une collection d’Armoires d’Uzès

Dans la pièce suivante, la collection d’Armoires d’Uzès, spécialité du musée Borias, rappelle l’essor économique d’Uzès grâce à l’industrie de la soie et au tissu en laine. Les nobles, mais aussi les bourgeois aimaient parer leur maison de mobilier montrant leur réussite sociale, avec notamment ces armoires joliment décorées du 17e s, ou cette chaise à porteur du 18e.

L’existence des plus modestes n’est pas oubliée comme le prouve, par exemple, cette exceptionnelle machine à bas de soie que les marchands de soierie louaient aux travailleurs qui exerçaient chez eux leurs professions.

 

Le portrait de la duchesse d’Uzès (1913) du peintre Adolphe Weïsz et La lutte d’hommes (1886), de José Belon

Le musee la duchesseSur les murs, des portraits, dont le magnifique cadre consacré à la duchesse d’Uzès, Marie Adrienne Anne Victurnienne Clémentine de Rochechouart de Mortemart (1847/1933). Devenue veuve en 1872 du 12e duc d’Uzès, Emmanuel de Crussol d’Uzès, elle consacre alors toute son énergie et son patrimoine à la politique et, bien avant l’heure, à la défense de la condition féminine. Le portrait d’Adolphe Weisz représente à merveille la noble austérité la duchesse, en habit de deuil.

Tout proche, un portrait de José Belon vous scrute d’un regard intense. Le bienfaiteur du musée uzétien est à l’honneur avec une de ses compositions, un grand cadre coloré, chatoyant, intitulé La lutte d’hommes, peint en plein air. On y découvre la compétition de lutte gréco-romaine qui prenait place lors des fêtes votives d’antan, à l’emplacement des vignes du domaine Saint-Firmin.

Au sortir de la salle, après un arrêt devant les souvenirs scolaires d’autrefois, d’autres portraits ornent les murs. Des dessins, lithographies, extraits de livres reviennent ainsi sur les grands personnages qui ont rythmé la vie d’Uzès. Nous retrouvons ainsi l’Amiral Brueys, originaire d’Aigaliers et mort au combat à Aboukir en 1798, ou bien le chanoine Sconin, oncle de Racine, un dépôt de la paroisse d’Uzès.

 

La collection de poterie de l’Uzège

Le musee poterieLe musee brique

 

La visite continue vers la collection de poterie de l’Uzège, témoignage majeur sur une activité qui cessa ou presque après la première guerre mondiale.

Y sont présentes de nombreuses céramiques de Saint-Quentin-la-poterie, mais aussi de Serviers, ou bien cette étonnante collection de briques (fin 19e/début 20e s) provenant des briqueries de Saint-Victor-des-Oules, Saint-Quentin et Montaren, autrefois hauts lieux de production.

 

 

La céramique revient sur le devant de la scène dans les années 80 à Saint-Quentin-la-poterie. Devenant peu à peu objet de décoration, elle perd son rôle de compagnon du quotidien des familles

 

Les céramiques, c’est aussi l’occasion de mieux connaître la Maison Pichon, fondée en 1802, et qui travaille depuis 7 générations à l’excellente de ce produit de choix à Uzès. Grâce à la collection privée de Jean-Paul et Christophe Pichon prêtée au musée, nous suivons l’évolution des créations de la manufacture, entre recherche des formes, des couleurs, dans un éternel souci de renouveau pour suivre le changement de mode, de goût, etc.

A voir : Certains objets portent le tampon du tout premier de la lignée, François Pichon (1804/1877), et ces soucoupes en forme de parapluies ouverts, les boîtes en « zig zag », ou l´utilisation des terres mêlées. A découvrir aussi l’insolite collection de pipes en terre, des pipes qui ont connu un grand succès dans le monde.

 

André Gide et son héritage

Le musee gideDernière salle du musée, celle consacrée à l’écrivain (1869/1951). C’est un vibrant hommage à l’homme et à son œuvre.

« Né à Paris d’un père uzétien et d’une mère Normande, où voulez-vous, Monsieur Barrès, que je m’enracine ? » (Prétextes). En effet, le jeune André Gide passera Pâques à Uzès et l’été en Normandie, dans le Calvados.

Photographies, articles de journaux, livres (pianiste averti, voici les Notes sur Chopin qu’il écrit sur un de ses compositeurs favoris), tableaux, on découvre peu à peu la vie d’un grand artiste, dont la famille était originaire de Lussan. On apprend ainsi que, si les hommes de la famille se destinaient tous à une carrière juridique, entre notaire, avocat, juge, André Gide a quant à lui voulu se destiner à la plume.

 

 

A regarder de plus près le programme de la pièce de Shakespeare « Antoine et Cléopâtre » dans la traduction de Gide… ainsi qu’un 33 tours « André Gide vous parle »

 

 

Le futur fondateur de la revue littéraire NRF, La Nouvelle Revue Française créée en 1908, découvre le monde. A 24 ans, en 1893, il voyage au Maghreb et reçoit un choc tant culturel que personnel. C’est une véritable école de la vie, à l´écart de toute influence familiale. Il consacrera plusieurs ouvrages à ces terres lointaines qui lui ont tant données et tant appris.

Jean-Paul Sartre dira d’André Gide qu’il était « un exemple irremplaçable car il a choisi de devenir sa vérité » (Les Temps modernes), en parlant notamment du journal de l’écrivain Voyage au Congo

Ami du poète et romancier Pierre Louys, d’Oscar Wilde, et de Francis Jammes, parmi d’autres, il peaufine son style et trouve sa voie. Il écrit La porte étroite en 1909, Corydon en 1924, Si le grain ne meurt en 1926, un Retour de l’URSS en 1936, un récit de voyage bientôt suivi de Retouches à mon Retour de l’URSS (en réponse aux critiques d’alors), ou bien encore Les caves du Vatican en 1948… Extrait :

 

 

 « Savez-vous ce qui me gâte l'écriture ? Ce sont les corrections, les ratures, les maquillages qu'on y fait.

Croyez-vous donc qu'on ne se corrige pas, dans la vie ? demanda Julius allumé.

Vous ne m'entendez pas : Dans la vie, on se corrige, à ce qu'on dit, on s'améliore; on ne peut corriger ce qu'on a fait.

C'est ce droit de retouche qui fait de l'écriture une chose si grise et si... (il n'acheva pas).

Oui ; c'est là ce qui me paraît si beau dans la vie ; c'est qu'il faut peindre dans le frais. La rature y est défendue ».

 

 

A savoir : Le musée fait partie, tout comme le Carré d’Art et le Musée de la romanité de Nîmes ou le Musée laïque d’Art Sacré du Gard à Pont-Saint-Esprit, du réseau de Musées-Occcitanie.fr, un site créé par « l’Association des Conservateurs et Personnels Scientifiques des Musées d’Occitanie… regroupant les professionnels des Musées de France et des établissements à but culturel et patrimonial de la Région Occitanie. Le site met en valeur la richesse et la diversité des musées et de leurs collections sur un site unique regroupant plus de 130 musées, dont la majorité bénéficie de l’appellation “Musée de France ».

L’Association des amis du musée existe depuis 1946.

Le château de Lussan appartenait jusqu’en 1920 à des membres de la famille d’André Gide

Brigitte Chimier est également l’auteur de nombreux fascicules pour l’Association des amis du musée d’Uzès, et du Guide des tableaux des églises d’Uzès (2006).

 

A lire également les autres publications de l’Association des amis du musée d’Uzès. Parmi d’autres, Les 100 ans du musée, le bel âge 1910-2010, André Gide et Uzès, Georges Borias ou bien Poterie traditionnelle de l’Uzège.

Remerciements à Brigitte Chimier pour sa collaboration à cet article

Plus d’informations sur uzesmusee.blogspot.com, Musées-Occitanie.fr

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