L’Ensemble polyphonique Cocanha

L’ensemble polyphonique Cocanha devait être à l’affiche de l’Ombrière en novembre dernier. Ce ne fut malheureusement pas le cas, mais ce n’est que partie remise, promis.

En attendant, ceux qui le souhaitent peuvent écouter les chansons traditionnelles occitanes de Cocanha sur son site.

Cocanha, une personnalité propre, entre « minimalisme et tempérament singulier »

Alors que « Cocanha cultive le minimalisme et la sincérité d’un son acoustique soutenu par des percussions amplifiées, engageant les corps dans la danse, la langue occitane lui sert de terrain de jeu pour explorer des tempéraments et des sonorités singulières ».

Mais l’ensemble polyphonique Cocanha, c’est avant tout un vaste répertoire de chants, accompagné par une musique parfaitement adaptée, et interprété aujourd’hui par l’association de « deux voix singulières », Lila Fraysse et Caroline Dufau, qui jouent aussi des percussions (tambourins, mains, etc), et Sanz Grosclaude, au son, ce son acoustique si particulier, le tout rythmé par des danses.

Les chansons de Cocanha, tour à tour « ré-écrites, inventées, émanant d’un imaginaire commun à ciel ouvert » rappellent quelque fois le patrimoine local, comme c’est le cas pour la chanson du pont de Mirabel ou bien celle sur la Garonne, Un aperçu ? Cotelon, Lo castèl roge de l’album Puput (2020), La valsa d’Emiliana, le Saut de Garona de l’album I ès (2017), et encore Al pont de Mirabèl et Passat deman d’Ep (2015).

Cocanha©Stephane barbierRetour sur « une complicité artistique de plus de 10 ans »

Bonjour Lila Fraysse, et un grand merci pour ouvrir 2022 en compagnie des lecteurs d’UzEssentiel,

L’ensemble Cocanha existe depuis plus de 10 ans. Comment a-t-il été fondé et par qui ?

Nous nous sommes rencontrées en 2010 avec Caroline dans la folle aventure audiovisuelle de Dètz : un laboratoire de formats-courts en langue occitane.

C’est à la suite de ces tournages et expériences créatives que Caroline m’a proposée de monter ensemble un groupe de chant polyphonique à danser : chant occitan et percussions. On a rapidement trouvé une troisième coéquipière, Gemma Cuni Vidal pour expérimenter la polyphonie à trois voix, inspirée des polyphonies traditionnelles pyrénéennes.

Le trio a successivement changé de visage. Gemma a laissé sa place à Lolita Delmonteil Ayral, puis à Maud Herrera, qui ont chacune enrichie le trio et enregistrée un disque avec nous.

Nous sommes maintenant revenues à la forme d’origine : le duo. À vrai dire, nous parlons de truo car nous faisons équipe avec Sanz Grosclaude, à la sonorisation depuis le début de Cocanha. Nous avons grandi musicalement et techniquement ensemble.

Quel a été votre parcours musical avant de rejoindre Cocanha ? Avez-vous une activité professionnelle en parallèle de votre carrière musicale ?

J’ai toujours chanté, depuis petite, avec ma sœur Anita, mais je n’ai jamais réellement étudié la musique. J’ai plutôt été baignée dans un univers musical singulier. J’ai grandi sur la péniche Chèvrefeuille à Ramonville qui accueillait des concerts à l’année ainsi que l’été, sur le festival itinérant Convivencia.

Je me suis ensuite formée à l’image. Mes premiers métiers sont le cadrage et le montage vidéo. C’est à cette occasion que j’ai rencontré le réalisateur Amic Bedel auprès de qui j’ai découvert les collectages ainsi que la création occitane audiovisuelle. Ce sont finalement ces sources, la rencontre avec Caroline et cette terrible envie de chanter qui m’ont mise sur la voie.

C’est avec Cocanha que j’ai découvert le métier de musicienne. J’étudie maintenant la technique vocale pour travailler ma voix et mon endurance concert après concert.

Et puis, je me suis mise à la batterie, que j’expérimente depuis peu dans le duo Choc Gazl aux côtés du guitariste Nicolas Lafourest.

L’occitan est la marque de fabrique de Cocanha, une langue qui compte de plus en plus d’adeptes en pays occitan.

Connaissiez-vous cette langue régionale auparavant ou l’avez-vous peu à peu apprise, et dans quelles circonstances ?

J’ai appris l’occitan par immersion, à l’école Calandreta de Còsta pavada, à Toulouse.

Au sortir de l’école, je l’ai délaissée quelque temps, puis je m’y suis remise par choix, dès mes 18 ans. C’était comme un déclic, le moment où j’ai choisi de parler la langue avec mon père, d’essayer d’utiliser cette langue au quotidien.

C’est à ce moment-là que j’ai rencontré Amic, Caroline et les ami.e.s du collectif Dètz avec qui nous avons formé une communauté autour de cette occitanité. Dans ce contexte de diglossie, parler l’occitan et le faire sonner dans nos chansons est un véritable choix politique.

Comment concevez-vous un album, de la sélection des chants (toujours inspirée du registre traditionnel ?) à la musique ? Vous basez vous sur des partitions anciennes ? Est-ce une collaboration à trois ou avez-vous chacun votre spécialité ?

On a créé le répertoire de Cocanha à partir de chansons, de mélodies ou de rythmes traditionnels occitans (Gascogne et Languedoc principalement).

Les collectages sont nos sources principales, mais nous composons aussi quelques thèmes. Nous arrangeons ces chansons pour la polyphonie, travaillons une orchestration rythmique pour les tambourins à cordes, les pieds et les mains et mettons le nez dans les paroles traditionnelles souvent désuètes.

Nous réécrivons les paroles pour raconter les histoires qui nous plaisent, rebattre la distribution des rôles dans les histoires d’amour par exemple. C’est pour cela que notre dernier album s’intitule Puput. C’est le nom occitan de la huppe fasciée. Cet oiseau nous a plu pour sa force subversive, venant questionner notre misogynie et notre rapport à la norme.

Cocanha 2021 duo retrach 300 dpiVous vous accompagnez d’un tambourin. Pourquoi ce choix ? Avez-vous d’autres instruments de prédilection ?

Les tambourins à cordes sont des instruments pyrénéens traditionnellement joués avec la flute à trois trous. Dans Cocanha, nous les avons détournés et les jouons couchés pour faciliter l’exploration expérimentale du son.

Le socle de notre chant à danser, c’est le bourdon et la pulsation, souvent soutenus par des jeux de polyrythmie avec les mains, les pieds et la voix.

Chants et danse… Chaque chanson est-elle accompagnée d’une danse ? Comment en réalisez-vous la chorégraphie ou bien celle-ci est-elle improvisée ?

Notre terrain de jeu, c’est le chant à danser. Nous arrangeons, composons, autour des rythmes que nous retrouvons dans les bals occitans : bourrées à trois temps, rondèu, branles, etc.

Ce sont des danses traditionnelles qui ont chacune leurs spécificités selon l’endroit où elles sont dansées.

Ensuite, dans les bals ou les concerts, nous transmettons notre musique et chaque personne danse à sa guise, selon sa tradition ou en partant dans des grandes improvisations lyriques.

Votre ensemble collabore-t-il parfois avec d’autres groupes occitans, ou participe à des fêtes mettant en avant les traditions régionales ?

Nous travaillons en ce moment sur une création avec le duo de rock SEC qui ne vient pas vraiment du même milieu que nous.

C’est précisément ce qui nous anime, découvrir d’autres esthétiques, d’autres scènes et faire sonner l’occitan dans des contextes inattendus.

Nous jouons là où Cocanha est invité, en prenant soin au maximum de soutenir et de jouer pour notre communauté occitane, et plus largement celle des musiques traditionnelles.

Cependant, il est également important d’infiltrer les scènes des musiques dites actuelles pour justement court-circuiter les imaginaires et faire rayonner la langue dans un contexte nouveau.

Cocanha devait jouer à l’Ombrière d’Uzès en novembre dernier, mais le concert a été annulé. Ce n’est que partie remise, n’est-ce pas ? Quelles sont vos prochaines dates de concerts ?

Nous allons bientôt participer aux Trad’hivernales à Sommières, à la Grange à musique à Creil ou encore à Sauveterre de Rouergue pour le Soft’R Festival.

Nous travaillons également sur un prochain clip et une création avec les musicien·ne·s catalan·e·s de Tarta Relena et los Sara Fontán.

Plein de belles choses à venir pour cette nouvelle année ! Bona annada a tots

Remerciements à Lila Fraysse pour sa collaboration à cet article

Plus d’informations sur le site de Cocanha

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