Oliver Bevan, une palette aux multiples facettes

UK - De Petersborough, sa ville natale, à Uzès où il s’installe en 2001, de Londres au Canada, les différentes inspirations du peintre Oliver Bevan sont en quelque sorte les mille et une vies d’un artiste aux talents multiples.

 

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​​​​​​Gouache, lumière noire, collage, œuvre de jeunesse, œuvre toscane

PORTRAIT

 

D'Eton au Royal College of Art

Après des études à Eton, Oliver Bevan rejoint en tant que bénévole une association qui donne aux jeunes l’opportunité de découvrir les colonies britanniques. Partant entre 1959 et 1960 dans le nord de Bornéo, connu aujourd'hui sous le nom de Sabah, l'artiste voyage autant physiquement qu’artistiquement, et rentre en Angleterre avec une maturité des plus utiles pour progresser dans la peinture, répondant ainsi, un peu à sa manière, à la devise de son ancien college : Floreat Etona, « Puisse Eton prospérer »

 

Le Royal College of Art, créé en 1837, propose aujourd'hui à des étudiants de plus 70 nationalités

un vaste panel d'enseignements artistiques.

Depuis 2019, le RCA est classé premier de sa catégorie pour l'enseignement de l'art et du design

 

Intégrant une autre institution britannique dès le début des années 60, Oliver Bevan y amorce une période formatrice.

« Entre 1960 et 1964, j'ai gagné une place d’entrée directe avec quatre autres jeunes étudiants au Royal College of Art. A l’époque, le RCA prenait des élèves déjà diplômés pour compléter l’équivalent d’un Masters.

Les professeurs étaient censés nous offrir un cours intensif d'un an, avant de nous laisser rejoindre les autres. Malheureusement, les professeurs n’avaient pas l’habitude de travailler avec des jeunes aussi inexpérimentés que nous. Après six semaines de nature morte, modèle vivant et un peu de paysage, de peinture sur le motif, ils nous ont tout simplement abandonnés à notre sort et laissés nous instruire par nous-mêmes. Des séances critiques individuelles remplaçaient une fois par mois l’enseignement...

Pour moi qui voulais surtout devenir un artiste « Moderne », je me suis trouvé assez perdu, jusqu’à ma rencontre avec les créations du visionnaire Vasarely, lors d'une conférence ».

 

Janvier 1964

Cherchant sa voie pendant quelque temps, ce n'est en effet que lors de sa dernière année d'études, en janvier 64, que le déclic arrive, quand il assiste à une conférence sur Vasarely, le père de l’art optique, un art où cohabitent à merveille géométrie et art abstrait.

Quittant le monde de la peinture que l’on peut appeler traditionnelle, Oliver Bevan se lance alors dans les lignes horizontales, verticales, ajoutant au fur et à mesure de la couleur et des illusions d'optique. Si ses projets de fin d'études sont quelque que peu boudés par l'académie, ils interpellent nonobstant les premiers galeristes, qui exposent l'artiste de 1965 à 1971.

Les croquis réalisés sur papier millimétré rencontrent les découpages qui se dévoilent sur grands formats, la couleur est vive, flashy, les lignes épurées... L'artiste joue avec le mouvement et les couleurs pour concevoir des œuvres pleines de dynamisme et de gaieté, aux volumes changeants.

 

kinetics crescendoLes années 70

De 1972 à 1977, c'est l'art cinétique qui s'invite sur la palette du peintre.

Si les créations kaléïdoscopiques d’Oliver Bevan combinent la forme au mouvement, elles trouvent leur pleine expression au travers d’œuvres comme Crescendo ou Tunnel (notre photo : quatre instantanés de l’œuvre cinétique Crescendo, 1974 plexiglass, filtres polarisants, moteurs, néons).

Formes asymétriques, expérimentations sans cesse renouvelées, approfondies, sortes de tangram en mouvement continuel, ce travail mène Oliver Bevan vers ses premières collaborations, comme la publication des 10 premiers livres sur les Maîtres modernes (Modern Masters), aux Editions Fontana (Fontana books).

 

 

Les maîtres modernes, selon leur éditeur Frank Kermode, « traitent des hommes qui ont changé ou changent la vie et la pensée de notre monde »

 

modern masters fontana book cover design book series design modern masters 1970 1971Ces livres en format poche consacrés à des grands penseurs du 20e s (écrivains, philosophes, etc) sont en effet précédés d’une couverture acidulée mêlant jaune, orange, vert, aux effets d’optique certains, made in Oliver Bevan. Cette collaboration confirme le pas ascendant de la carrière du peintre, comme les expositions qui suivent bientôt, à Londres, Zurich et Toronto.

 

La transition, 1977 à 1982

A un moment où un besoin de changement se fait sentir tant dans la vie artistique que personnelle de l'artiste, une opportunité professionnelle entraîne Oliver Bevan de l’autre côté de l’océan, entre Canada et Etats-Unis.

Remplaçant un professeur d'art parti en congé sabbatique, il enseigne de 1977 à 1979 la peinture, le dessin et la gravure à l'université de Saskatchewan, dans la ville de Saksatoon.

Les paysages de la province de Saskatchewan, totalement différents de son Angleterre natale, lui inspirent alors des croquis de plaines canadiennes battues par les vents et de nombreux clichés, autant de retranscriptions de ses impressions, de ses vues, de ses souvenirs. Les toiles qui en sont inspirées semblent spontanées, comme prises sur le vif.

 

photos canada oliver bevan

 

Travaillant autour de la gouache, des pastels, du collage, de la couleur, une profusion de couleur, l'artiste met en valeur ses années de transition dès son retour à Londres, en 1979.

La période « photographie » de l'artiste, s'étendant sur 3 ans d’études, trouve un de ses points d'orgue en 1981 lors de l'exposition Collages and Colour Photography à la Angela Flowers Gallery, aujourd'hui une des plus anciennes galeries d'art contemporain de Londres.

Lorsque l'artiste pose chevalets et peintures dans son nouvel atelier à deux pas de la City dès 1982, cela lui procure le cadre idéal pour la série de peintures dite Farrington, commencée lors de cours privés. Ses toiles, reprenant le cadre urbain, l'architecture et les vues plongeantes, l'inspirent jusqu'en 1988. Entre-temps, l'artiste aura déplacé en 85 son atelier du côté du sud-est londonien.

 

west london oliver bevan

 

Dessin et peinture urbaine

monotypes oliver bevanRappelons ici la série de dessins en noir et blanc où, entre 83 et 95, la craie blanche permet de travailler les ombres au doigt. Une façon différente de voir la matière, d’imaginer le relief. C’est le cas des monotypes, où l’ombre est comme indissociable des tableaux.

Tranches de vie urbaine, entre 88 et 95... D’autres lieux servent de décor au peintre, qui se perd en interprétation. Les tableaux semblent prendre le pouls des gens qui passent, suivre la dynamique des passants, depuis son atelier à demeure chez lui depuis 90. 

On y découvre l’échangeur routier se transformant au fil de la journée, les éclairages variantles ombres grandissant…

Ces paysages urbains mènent petit à petit à l’arrivée, dès 1991, des véhicules dans l’œuvre de l’artiste. En tout, ce sont 95 véhicules et personnes croisées qui prennent vie sur les toiles.

Mais il ne faudrait pas oublier de parler ici des cours pour adultes qu'Oliver Bevan encadre dès les années 80. De ces années à partager, avec un public avide de connaissances, sa vision de l’art, ses techniques, ses approches, sa perception de la création, de la genèse à l’aboutissement, l'artiste en retire l'enthousiasme des peintres amateurs, et devenus, pour certains, d'excellents professionnels.

 

children s game

1996-2000 Children's games, dont Performance (1ère photo,1998 huile sur toile)

 

Uzès, année 2000

Le nouveau siècle signe un nouveau changement dans la vie du peintre.

Son arrivée en France en 2001 l’entraîne vers les beautés naturelles du Gard. Ses nouvelles toiles se nourrissent encore une fois de la scénographie urbaine, retraçant la vie quotidienne au travers d’une série de diptyques, s’inspirant parfois d’œuvres japonaises.

Comme une parenthèse dans sa vie gardoise, il faut ici présenter la série de toiles peintes après 2010 et consacrées aux dîners, aux repas du dimanche, aux petits-déjeuners en été. Autour de la découverte de l’Italie, du côté de la toscane Volterra, mère patrie du peintre du 17e s Baldassarre Franceschini, et à partir des nombreux clichés pris à l’époque, Oliver Bevan dévoile le moment du partage autour d’une table, les reflets dans les verres, les couverts posés sur les assiettes, la lumière jouant avec le soleil… ou bien serait-ce l’inverse...

Et comment ne pas citer les tableaux des Cyclades, tous plus bleu et blanc que les précédents, et encore ceux sur la Cornouaille, terre devenue familière, aux paysages tourmentés et venteux, sauvages. Entre 2009 et 2011, la mer y prend alors le contrepied de la rivière, le sable et les roches brutes complétant les œuvres.

 

le grand saut, eau profonde II, ombres portées©oliver bevan

Le grand saut (2006, huile sur toile), Eau profonde II (2007, huile sur toile), Ombres portées, La Place aux Herbes

 

La série de tableaux sur le Gardon, entre le pont du Gard et Collias lui permet, quant à elle d’allier, aux reflets dorés du soleil, l’abstraction de l’eau, un élément de plus en plus présent dans ses peintures.

 

« Je suis loin d’avoir fait le tour de ma carrière. Je peux retourner à l’abstrait, qui sait… Je ne sais pas où cela me mènera, je suis mon instinct »

(Oliver Bevan, lors de la 4e conférence My Modernist Crisis, à l’université internationale Schiller, à Paris, 2018)

 

eau reflets voiture oliver bevan

De retour à Uzès, la Place aux Herbes est un de ses thèmes favoris, avec les pluies torrentielles d’été, les averses à la nuit tombée, les ​​​​​​​voitures qui arrivent au fur et à mesure dans les paysages de l’artiste.

Les reflets dans les flaques d’eau, les étincelles liquides créées par les lumières des véhicules sur la chaussée détrempée, mèneront l'artiste, qui sait, à un retour à l’art abstrait.

 

 

 

Autoportrait oliver bevan​​​​​​​Et qu'en est-il des tableaux du confinement

Inspirés par ces deux années de tracas sanitaires, les tableaux dits du confinement continuent de refléter l’âme de l’artiste. On retrouve encore les reflets qui lui sont chers, dans une sorte d'introspection. Le double du peintre se profile soudain, pris dans un jeu de miroir. Serait-ce une autocritique, une observation naturaliste ?

 

Collectionneurs et expositions

Les collectionneurs allemands, belges, anglais, suisses, mais aussi français apprécient les peintures du peintre. Rencontrant l'artiste au détour du musée de Londres, dans la Guildhall Art Gallery par exemple, ou dans sa galerie d’Uzès, La Réserve, ils achètent un peu du monde de l’artiste, s'offrant le plaisir de vivre à ses côtés au travers des coups de pinceau. Un régal.

 

Ce fut d’ailleurs lors d’une de ses toutes premières expositions dans une galerie d’art londonienne en 1973présentant le travail de jeunes artistes, qu’Oliver Bevan croise un jour, par le biais d'un ami commun, le chemin de Ringo Starr. L’œuvre cinétique attire l’œil du Beatles. Particulièrement intrigué, interpellé par cette œuvre à nulle autre pareille, Ringo Starr en commande une, puis deux.

 

Les dernières expositions d'Oliver Bevan : En 2012, Annick Le Mée, qui gère la carrière de l'artiste et La Réserve, organise une rétrospective Un parcours atypique, à la Médiathèque d'Uzès et dans l'Ancien évêché. Il y a aussi Rencontre ensoleillée à Saint-Quentin-la-Poterie et Ombres portées, qui permettent de se faire une idée du travail achevé depuis les années 60.

Vifs remerciements à Oliver Bevan pour sa collaboration à cet article, les visuels transmis, et la visite guidée de sa galerie, La Réserve.

La bonne adresse : La Réserve d'Oliver Bevan, 1 rue Nicolas Froment, 30700 Uzès. Tél : 06 74 06 00 83.

A retrouver sur youtube les 4 « Lectures - "My Modernist Crises" d’Oliver BEVAN », mais aussi Oliver Bevan, Conférence Rétrospective 2012 et les oeuvres cinétiques d'Oliver Bevan.

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