La traduction littéraire selon Sophie Bastide-Foltz

A l’occasion de la sortie en librairie du roman d’Elly Conway Argylle, adapté au cinéma par Matthew Vaughn, nous rencontrons Sophie Bastide-Foltz, qui en a réalisé la traduction française.

UK - Passionnée de langue anglaise, on lui doit de nombreuses traductions comme Les Devins de la romancière canadienne Margaret Laurence (Editions Joëlle Losfeld), Les anagrammes de Varsovie (Editions Buchetchastel) ou Lazare (Le cherche midi) de l'écrivain américain Richard Zimler.

 

ENTRETIEN

 

Sophie Bastide-FoltzBonjour Sophie,

Ravie de vous accueillir dans la rubrique Portrait du blog UzEssentiel.com,

Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

Et bien, difficile question sachant que j’ai vécu plusieurs vies ! J’ai commencé la traduction à 35 ans. J’avais alors vécu à l’étranger, aux Etats-Unis, pendant 5 ans, entre Los Angeles, San Francisco et New York après avoir travaillé dans le commerce.

Les Etats-Unis ont signé en quelque sorte les prémices de ma future carrière. C’est là que j’ai écrit plusieurs articles en freelance pour des revues universitaires et ai été responsable du Journal Français d’Amérique à New York.

De retour en France, tout a été une suite de rencontres. J’ai tout d’abord fait la connaissance d’un philosophe qui m’a proposé de traduire des articles et m’a formé à l’art de l'écriture. Ont suivi des traductions de livres au style très journalistique pour les @éditions Albin Michel. Je me suis essayée ensuite au roman, là aussi à la suite d’une rencontre.

Le silence et la solitude que nécessitent la traduction étaient et demeurent encore aujourd’hui un mode de vie qui me convient parfaitement.

 

Anglais, américain, quelles sont les grandes différences pour vous entre ces langues qui sont à la fois si proches mais aux nuances si contrastées… ?

Alors que l’anglais est très littéraire, l’américain fait plus appel au langage parlé, familier, le vocabulaire est donc différent.

Parmi tous les livres qui m’ont été confiés, je me suis attelée à traduire des romans d’auteurs originaires de nombreux pays : Angleterre, comme Je suis Pilgrim de Terry Hayes (J.C. Lattès), Etats-Unis, avec notamment Rouge sur Rouge d’Edward Condon (Actes Sud), Nouvelle-Zélande, comme Histoire d'un fleuve en Nouvelle-Zélande de Jane Mander (Actes Sud), Australie, Pakistan, Inde, Bangladesh avec Les Vaisseaux frères de la romancière Tahmima Aman (Actes Sud), Irlande. J’ai même eu la chance de travailler sur Le cercle du Kharma et Histoires en couleurs (tous deux chez Actes Sud) de la seule romancière du Bhoutan, Kunzang Choden.

A chaque pays, ses caractéristiques propres, son identité. La traduction se révèle donc être un apprentissage de tous les instants, entre figures de style, vocabulaire et, bien évidemment, contexte, indispensable à la bonne compréhension d’un roman. Je m’informe toujours sur le lieu où se déroule l’histoire, l’époque, etc. C’est très prenant.

 

Travaillez-vous toujours en solo ?

En solo pour ce qui est de la traduction pure, oui, mais mon mari, Philippe Bastide, me permet de trouver le ton parfait pour le roman. Il faut savoir qu’à l’écrit il est souvent difficile de se rendre compte de ce qui pose problème. Alors je lui relis à haute voix mon travail et nous trouvons, à deux, le mot juste.

De plus, je reste souvent en contact avec l’auteur, le rencontre parfois, ce qui m’octroie l’avantage de connaître sa façon de penser, sa méthode. C’est une relation unique que celle qui s’établit entre un écrivain et son traducteur.

Vous baignez dans l’univers de l’écriture au quotidien. N’avez-vous jamais été tentée de vous lancer, vous aussi, dans la rédaction d’un roman ?

Comme tout un chacun l’idée m’a traversé l’esprit ! Mais à chacun son métier. Mon art, là où je m’épanouis, c’est la traduction.

 

 

Version ou thème ?

« 100 % version !

Hormis quelques rares exceptions,

je pense qu'on ne traduit bien un texte étranger que dans sa langue maternelle ».

 

 

 

Argylle

Vous avez réalisé la version française d’Argylle, premier roman de l’américaine Elly Conway, bestseller dès sa sortie aux Etats-Unis et arrivé en librairie début janvier. Vous êtes-vous déjà remis au travail ?

Oui, je suis de nouveau en plein travail. Une traduction est une expérience intense qui demande une implication quotidienne de 10 à 12 h par jour.

A chaque nouveau livre, il s’agit de se plonger dans un nouvel univers. Une tâche séduisante autant qu’éreintante, sachant que le roman le plus long que j’ai traduit comptait… 1 300 pages. Il n'y a pas que les romanciers qui souffrent de la crampe de l'écrivain !

C’est aussi une mission de confiance, d’un éditeur, d’un auteur envers un professionnel de l’écriture.

En dehors de votre métier de traductrice, avez-vous d’autres activités…

J’ai autrefois collaboré au Magazine Littéraire ainsi qu'au Point. J’ai aussi écrit la présentation d’une exposition du peintre anglais Oliver Bevan (lire notre article), installé à Uzès.

Récemment, je me suis attelée à l’adaptation française du film de Kelly Blatz, Senior love triangle, projeté au cinéma Le Capitole début janvier 2022 en présence du réalisateur. Pour moi, la traduction de scenarii signe le renouveau de la traduction et offre un large panel de créations, totalement différent des livres. C’est une véritable bouffée d’oxygène dans le monde de la littérature, à la fois excitante mais exceptionnellement exigeante, les règles étant radicalement distinctes.

 

Aimeriez-vous ajouter un commentaire ?

Je dois bien reconnaître que je suis captivée par l’écriture, la traduction. C’est une joie de tous les jours et un merveilleux métier, surtout pour une femme, permettant de concilier vie de famille et carrière professionnelle.

 

Vifs remerciements à Sophie Bastide-Foltz pour sa collaboration à cet article.

Parmi les nombreux livres dont l'on doit la version française à la traductrice notons aussi L'amant du volcan de Susan Sontag (Christian Bourgois)Art et outrage : Lettres et textes inédits d'Henry Miller (Christian Bourgois), L'âge de la lumière de Whitney Scharer (L'observatoire), Madame Hemingway de Paula McLain (Le Livre de Poche), Les Falaises de Wangsisina de Pavan K. Varma (Actes Sud)...

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